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Extrait de "ELLE et LUI", une histoire d'amour.   S. MARION Agence des Souvenirs

...Pour Roger, c’est le commencement, l’apprentissage, les explications du maître. Marc Hénard, planté par sa bonhomie, observe l’élève de quinze ans son cadet. Ils ont en commun leurs origines très modestes et une détermination sans faille pour leur passion. Marc apprécie l’impétuosité explosive de cet apprenti, l’ingéniosité de ses approches et réfléchit. Il l’a déjà guidé dans son choix entre la peinture et la sculpture. Sans nul doute, il sera sculpteur. L’aider dans sa progression technique, lui transmettre l’essentiel, allumer l’étincelle permettant la naissance de l’artiste, c’est sa mission.
Empreint d’une grande concentration, Marc explique lentement, pesant chaque mot.
« Tout d’abord, tu dois choisir le matériel ; les ciseaux, pointes, burins et marteaux, tu vois, il y en a plusieurs dizaines dans cette caisse en bois. Pour l’ébauche, choisis cette pointe et ce ciseau, faut y aller doucement au début, par la suite, tu peux utiliser un ciseau plus large. Maintenant parlons de la roche. Le granit est une roche magmatique, provenant du manteau de la terre. La roche est grenue, regarde la structure, de tout petits cristaux de trois types. Les transparents, c’est du quartz. Les blancs opaques sont en feldspath et les noirs sont en mica. Le granit peut avoir plusieurs teintes, celui-ci vient d’ici, du Morvan, il est rose, l’oxyde de fer le teinte. Cette roche est dure, écoute le son. Pour débuter le travail, attelle-toi au contour du Christ, vas-y doucement, attaque ainsi avec la pointe et ensuite ainsi avec le ciseau. Fais des petits éclats, le plan d’attaque du ciseau sur le roc est presque à 90°. Parfois, le caillou a un veinage, utilise le dans ton œuvre, la nature t’offre la beauté de la pierre, ne la contrarie pas. » Marc réalise le dessin à la mine de plomb sur le roc d’après le croquis.
Roger pense : « Chacune de ces paroles m’évoque une action. J’ai dans l’oreille le son du marteau. Je reconnais l’écho du coup porté dans le cœur des pierres, il m’avertit de leur résistance. Dans l’avant-bras, j’ai la conscience de l’élasticité impliquant le retour du ciseau. J’ai sondé le cœur des pierres dans les cours de la place des Vosges. Le calcaire est tendre, granuleux, le ciseau s’enfonce, décolle la languette de pierre puis glisse sur la surface crayeuse, le granit, plus dur explose en plaques dodues un léger rebond du marteau. Alors j’attaque, à chaque relief j’adapte l’angle et la force du bras ; le juste dosage du coup qui soulève une langue de pierre à la limite du dessin d’ébauche, surtout pas plus, guider le ciseau le sur le bloc, lui imposer ta volonté. La machine se met en branle timidement, d’abord, je tâtonne, j’observe et réfléchis, puis j’y vais franchement. »


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